Aïkido : Le journal d'un débutant
(Saison 6)

Publié depuis le 9 décembre 2006 sur le site du club Marcq Aïkido : http://www.marcqaikido.com/

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2. Saine lecture

Il est des lectures confondantes par la générosité avec laquelle elles offrent du sens en écho à ce que l’on peut faire et penser. Un petit ouvrage en offre un bel exemple : Seul avec tous, paru dans la collection du Livre de poche, regroupe des entretiens avec Laurent Terzieff, acteur génial récemment disparu. Naturellement, vous y trouverez des propos d’acteur, de souvenirs de théâtre mais pas seulement, car il y a aussi chez cet homme – ce qui ne saurait surprendre – une réflexion sur la vie, sur le rapport aux autres, sur une pratique passionnée, toutes choses avec lesquelles, nous qui pratiquons aussi un art, pouvons entrer en résonance.

Je crois qu’au-delà des choses dites, c’est la façon simple avec laquelle il les dit qui m’a le plus étonné, impressionné. Je vous conseille par exemple le passage sur l’Absurde. Mais ce qui me décide à évoquer ce livre dans ces colonnes, c’est le texte qui s’intitule « Vocation ? ». Il se penche sur la question de la vocation d’acteur, bien sûr, mais, pour ma part, il me semble que l’apprenti aïkidoka (que je suis) devrait s’inspirer plus souvent de ce qu’il propose dans un passage de ce texte qui dit :

« (…)

Pour jouer il faut posséder la force de conviction. Car l’acteur n’a qu’une seule loi : convaincre. Même s’il fait appel à tout son affect, à toute son expérience, cela ne suffira pas s’il ne donne pas une crédibilité à son personnage. Et il n’y a que lui qui puisse le trouver. (…) »

Ne peut-on pas dire la même chose de l’aïkidoka ? Cette force de conviction n’est-elle pas requise, orientée pour nous vers la martialité ? Je me demande jusqu’à quel point ma pratique ne gagnerait pas à habiter plus souvent que je ne le fais les rôles qui nous sont dévolus dès lors que je mets le pied sur le tatami. Comment peut-on bien faire les choses dès lors que l’on montre que l’on n’est pas convaincu soi-même de ce que l’on fait en ne cherchant pas à donner de sa pratique une image convaincante ?

Un autre passage m’a parlé qui s’intitule : « Répétition ». On sait l’importance accordée au théâtre à la répétition. On sait aussi la place centrale de la répétition dans nos entraînements et, en ce début d’année, à la reprise des cours, débutants et avancés prennent et reprennent les choses les plus simples comme les déplacements en les répétant disons « un certain nombre de fois… » On aurait tort d’en prendre ombrage car voici ce que Laurent Terzieff dit de la répétition :

« Non, ce n’est pas répétitif, de répéter !
La répétition n’engendre pas l’usure, c’est le contraire de la cristallisation, un moyen d’aller plus loin. D’abord parce que cela permet de se libérer, grâce à la maîtrise. […]
Ensuite parce que rien n’est jamais pareil. Quand des comédiens veulent introduire des changements au cours des représentations, je dis toujours – je répète ! – qu’il ne faut pas avoir peur de faire la même chose que la veille. Car, de toute façon, on ne fera pas la même chose. C’est un autre jour, et on ne reproduira jamais exactement ce qui s’est passé.
»

À présent, et pour conclure cette digression par le théâtre, je voudrais saluer la patience des nos maîtres qui, malgré nos déboires et notre plus ou moins grande facilité à comprendre ce qu’ils nous disent, n’ont de cesse de répéter, sans jamais se lasser, les conseils qui nous aident à progresser dans la pratique et qui nous rappellent très souvent à la martialité et à la nécessité de développer notre pratique avec vraisemblance, d’habiter enfin les rôles de Tori et d’Uke à chaque seconde que nous passons sous le regard d’Ueshiba Morihei.